Babil Sabir c'est quoi?

Une langue, paraît-il, est un dialecte avec une armée.
Ici, pas de langue, et d'ailleurs pas de dialecte.
Des interjections, des bribes et des morceaux de chacun d'entre nous,
un obscur trafic de phonèmes et de suggestions.
Un mot-valise ici, un borborygme là, éboulis d'éructations
portant la mélopée malhabile d'un enfant qui chantonne devant le miroir.
Et voici un synthétiseur qui ronronne comme une vieille chatte aveugle,
et parfois griffe si l'on l'approche de trop près,
voilà le remugle horripilant d'une batterie de tambours martelés
ou les ritournelles mouvantes d'un luth à six schtroumpfs.
Deux fois quatre cordes pour deux mains, onze cordes pour une seule main,
vingt-deux gongs huit sonnailles quatre scies circulaires
et deux cymbales cassées pour les quatre autres mains.
Tout cela sans frettes sans filet, les notes glissent et s'accrochent à ce qu'elles peuvent.

Quand tout autour la musique s'écroule, on ramasse des bouts, des quarts de bouts,
on en fait ce qu'on peut, une phrase, une fresque,
une presque phrase ou un phare de naufrageur,
une chansonnette qui tourne pas rond,
et puis cela commence à ressembler à quelque chose,
quelque chose qui n'existe pas.